Rappelez-vous le dernier roman que vous avez lu, qui vous a ému, le dernier film qui vous a bouleversé, la dernière pièce de théâtre dont vous vous souvenez. Il s’agit certainement de trois histoires de crime. Rappelez-vous les grands films, Quai des Brumes, La Bandera avec Jean Gabin…Le Rouge et le Noir avec Gérard Philippe. Orson Wells, Monsieur Arcadin…De quoi s’agit-il ? De crimes. Relisez tous les romans de Dostoïevski, tous sont des histoires de crime. Un roman psychologique, un roman amoureux comme la Princesse de Clèves, un juge pointilleux y verra déjà une tentative d’adultère. Tristan et Yseult, qui fonde toute la notion de l’amour en Occident, c’est l’histoire d’un adultère. Pourquoi le crime constitue-t-il le sujet de toutes ces rêveries ? Parce que c’est la distinction fondamentale entre l’homme et l’animal. Les abeilles ne font jamais grève, et dans la ruche, les reines ne se font jamais avorter. C’est chez l’homme que les ouvrières font grève et que les princesses se font avorter. L’infraction est là, signe que nous avons cessé d’être des bêtes pour devenir des hommes, c’est-à-dire un intermédiaire entre l’animal et Dieu. Le crime est le signe de notre liberté, la condition de notre destin. L’artiste et le criminel ont en commun d’être au confins de l’humanité, là ou l’homme se pose la question essentielle : qui suis-je et que dois-je faire? Philippe Perrin est dans son art l’héritier d’une grande tradition qui va de Socrate à Jean Genet.

Crime
Jacques Vergès 1991

Philippe Perrin est né en 1964 à Latronche, il vit et travaille à Paris.