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Né en 1933 à Manhattan, New York, Thom deVita est un artiste singulier du tatouage. La place occupée par son œuvre est elle aussi à part, rassemblant l’essence du geste même de l’art du tatouage tout en se tenant à l’écart de toute catégorisation possible. Thom deVita grandit dans la rudesse du quartier populaire et cosmopolite du Lower East Side. Sa pratique artistique est autodidacte, et ce n’est qu’en tant que modèle qu’il fréquente les écoles d’art : il développe un travail de collage et d’assemblage pictural dans la lignée admirative de Willem de Kooning, Franz Kline et Joseph Cornell, et montre dans les années 1950 son travail lors des foires d’art en plein air de Washington Square Park. C’est à cette occasion qu’il fréquente les peintres de l’expressionnisme abstrait de la New York School.

 

En 1961, le tatouage devient illégal à New York – Thom deVita commence à tatouer peu après, dans un appartement sur la 8e avenue. Il sera le premier, avec Cliff Raven, à tatouer des motifs issus de l’iconographie native américaine zuni, et à travailler, en noir, le répertoire asiatique, préfigurant ainsi le renouveau historique du tribal. Thom deVita reste fidèle à une vision du tatouage comme art populaire ; l’énergie, la spiritualité et le sens portés par un tatouage l’intéressent plus que sa technicité. Son approche est intuitive, personnelle, totalement désaxée des modes qui l’entourent ; il n’hésite pas à recouvrir un tatouage ou à intervenir de nouveau sur le flash d’un autre tatoueur, guidé par ce même geste de collage.

 

La faune new-yorkaise qu’il tatoue, faite d’excentriques, d’amis anarchistes et de membres de gangs chinois est la famille à laquelle il appartient, et, à la dénomination « underground », il préfèrera toujours celle d’« underworld » – et c’est ainsi qu’il se tiendra toute sa vie, comme tatoueur et comme peintre. En 1972, Ed Hardy fait sa rencontre via Mick Malone. Le street shop dans lequel reçoit alors deVita le laisse ébahi : un lieu à nul autre pareil, où les flashes sont présentés sur morceaux de bois, « mêlant histoire et cultures, transcendant les frontières entre art et artisanat, entre le noble et l’ordinaire. Les clients de deVita devenaient des composants visuels à part entière dans le grand assemblage vivant de la ville. » Il lui consacrera un long article dans le cinquième volume de sa légendaire publication Tattootime. Le geste de Thom deVita, dans le tatouage, est celui d’une poésie unique, un legs important et resté pourtant confidentiel dans son histoire.

 

Depuis un peu plus de dix ans, il ne tatoue plus et se consacre à sa peinture. En 2012, Ed Hardy a publié chez Hardy Marks un ouvrage rassemblant pour la première fois son travail de peinture, de dessin et de collage, deVita Unauthorized : « Profond, sophistiqué et inclassable, deVita est un immense trésor qui n’a pas encore reçu la reconnaissance qu’il mérite dans le monde de l’art au sens large. »